
3 août 2025
Nouveau matériau, avenir plus vert ?
Longtemps cantonné à l’univers de l’emballage, le carton s’invite désormais dans nos intérieurs sous la forme de meubles au design audacieux et aux promesses écologiques. Léger, recyclable et modulable, ce matériau a séduit jusqu’aux organisateurs des Jeux olympiques de Paris 2024, qui ont fait le choix de l’utiliser pour les lits du village des athlètes. Mais derrière cette innovation très médiatisée, se cache une question de fond : le mobilier en carton est-il une solution durable ou un simple coup de communication ?
Le meuble en carton : entre innovation artisanale et promesse verte
Le mobilier en carton ne date pas d’hier. Depuis plusieurs décennies, des designers et artisans explorent les potentialités de ce matériau léger, recyclable et surprenamment résistant. Bibliothèques, bureaux, fauteuils, chaises et même lits peuvent être fabriqués à partir de carton ondulé, alvéolaire ou gris.Des formations professionnelles, comme celles proposées par l’École du Carton à Paris, visent même à structurer une filière autour de ce mobilier alternatif.
Ce matériau cumule plusieurs avantages : il est facile à transporter, à assembler, souvent sans colle ni vis, et il offre une modularité intéressante pour les espaces temporaires ou les usages spécifiques. Du côté de l’écologie, le carton se distingue par un taux de recyclage élevé (environ 82 % en France), une empreinte carbone réduite et un potentiel d’économie circulaire fort, notamment grâce à sa production locale.
Mais ses inconvénients freinent encore une adoption massive : confort limité, durabilité incertaine dans un usage quotidien, perception de fragilité et image encore artisanale ou « gadget ».
Du carton et des Jeux
Dans une volonté affirmée de proposer les Jeux olympiques les plus durables de l’histoire, les organisateurs de Paris 2024 ont opté pour une solution audacieuse : des lits en carton pour les quelques 15 000 athlètes du village olympique.
Fabriqués en France par la société japonaise Airweave, ces sommiers en carton alvéolaire étaient conçus pour supporter jusqu’à 250 kg. Accompagnés de matelas modulables en matériaux recyclés, ils s’inscrivaient dans une démarche globale incluant le refus de la climatisation artificielle, la géothermie, et le recyclage intégral du mobilier après l’événement.
Malgré certaines critiques de sportifs concernant la fermeté des matelas, les lits ont globalement rempli leur fonction. Loin de l’image de gadget, ils ont permis de démontrer que le carton, bien conçu, peut répondre à des contraintes de logistique, de confort minimal et surtout de durabilité.
Après les Jeux, les sommiers ont été envoyés dans les Ardennes pour être entièrement recyclés dans les usines Smurfit Westrock, tandis qu’une partie du mobilier (bureaux, canapés, fauteuils) a été récupérée par Emmaüs pour des ventes solidaires.
Gadget ou vraie alternative ? Une réponse nuancée
L’expérience des Jeux olympiques de Paris 2024 a démontré que le mobilier en carton peut être pertinent dans un contexte temporaire : simple à monter, robuste, léger, et parfaitement recyclable. Dans ce cadre, il s’agit d’une alternative écologique crédible, en phase avec les enjeux environnementaux actuels.
Mais pour un usage domestique durable, le carton peine encore à convaincre. Son confort, sa résistance à l’humidité, sa tenue dans le temps, ou simplement sa perception par le grand public restent des obstacles majeurs. Le mobilier en carton semble donc plus adapté à des événements ponctuels, des logements transitoires, des espaces de coworking éphémères ou des usages éducatifs et artistiques, qu’à une utilisation quotidienne à long terme.
Les meubles en carton oscillent entre innovation écologique et communication événementielle. L’exemple de Paris 2024 montre qu’ils peuvent être bien plus qu’un gadget, en s’intégrant dans une véritable stratégie de développement durable et de circularité.Mais leur généralisation dans les foyers reste à construire : il faudra convaincre sur la durée, sur le confort, et sur la valeur d’un matériau encore souvent considéré comme jetable.
En somme, le carton a franchi un cap, mais pour devenir une véritable alternative au bois ou au plastique, il devra désormais relever un nouveau défi : celui de la désirabilité durable.
